vendredi, 16 février 2007

Le pragmatisme ne suffit pas

Il est des mots à la mode. Le terme « pragmatisme » en est un. Le pragmatisme est présenté comme le contraire d’une idéologie ; une action politique calquée sur la réalité et pas sur des dogmes théoriques. La pratique contre la théorie.
Je crois que cette conception des choses est mauvaise et peut-être même dangereuse. L’idée que le pragmatisme dépasse l’idéologie, ou constitue une forme d’action politique en tant que tel, nie l’existence de différentes formes de mener de la politique. Il y aurait, d’un côté, les discussions théoriques entre la gauche et la droite, et de l’autre l’action politique qui répondrait à des critères de pragmatisme sans philosophie politique.

Il est important de faire la différence entre le haut fonctionnaire et le politicien. Le haut fonctionnaire est un exécutant. Il peut proposer des projet, mener une action administrative, mais on n’attend pas de lui des professions de foi. Le politicien, lui, élu, doit apporter une vision globale de la société, à court et à long terme. La gestion quotidienne de l’Etat n’est pas le rôle primordial d’un parti politique, mais celui de l’administration au sens large.
A mon avis, ce fameux pragmatisme provoque une politique précipitée et électoraliste. Le pragmatisme des années 1990 a mené à un gaspillage des deniers publics et à l’explosion de la dette. Swissair est un autre exemple d’une politique pragmatique : contrairement à tous les grands principes des parti bourgeois majoritaires, le parlement a décidé de mener un sauvetage in extremis de Swissair. Les raisons étaient nombreuses: les emplois, la place de la Suisse dans le monde, l’aéroport de Zürich, mais contraire au principe libéral d’une intervention minimale de l’Etat dans l’économie. Sans porter de jugement qualitatif sur l’opération, on peut légitimement se demander 5 ans plus tard, si favoriser immédiatement la concurrence dans le marché aérien n’aurait pas été plus judicieux.

Je pense qu’une action fondée exclusivement sur une pensée pragmatique – au cas où elle existe – relève plus du manque de courage que de la lucidité. Un déficit trop important dans le projet des NLFA ? Laissons tomber une partie du projet. Le prix du lait s’effondre ? Interdisons l’importation. Les exemples sont nombreux, tous les politiciens qui auront réalisé ces politiques pourront déclarer fièrement: « Le temps n’était pas aux grandes théories, mais à une action pragmatique ». C’est parfois nécessaire, sans doute, mais de là à penser, comme le font certains sur ce site, qu’un parti peut être « pragmatique », j’en tombe de ma chaise et je me demande ce qui reste alors de la politique. Un peu comme tous ces gentils qui pensent qu’il suffit de se mettre autour d’une table pour réconcilier libéraux et alter mondialistes, écologistes et promoteurs ou pro et anti-européens. Entre nous, quelle tristesse si tout le monde était du même côté à Infrarouge, non ?

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